Apple suivrait tous vos faits et gestes dans l’App Store pour mieux y placer ses pubs


Des développeurs et chercheurs en sécurité ont découvert que l’App Store d’une version un peu ancienne d’iOS envoie à Apple toutes vos actions. Un moyen pour le géant de Cupertino de nourrir des profils, et de placer ensuite des publicités dans son kiosque de téléchargement.

Privacy by design… Respectueux de la vie privée par sa conception… Dans la guerre, pied à pied, pour la domination du marché des smartphones, Apple a fait de notre vie privée un cheval de bataille. Les fonctionnalités matérielles et logicielles de ses iPhone deviennent des arguments marketing centraux pour les distinguer de la concurrence, y compris quand, paradoxalement, la vie privée est un peu bousculée, comme quand les sauvegardes des données dans iCloud ne sont pas chiffrées de bout en bout.

Champion de la vie privée pour tous ?

En 2020, avec iOS 14, Apple annonçait son nouvel effort, destiné à protéger les utilisateurs des trackers en ligne, ces logiciels et systèmes qui suivent nos habitudes pas à pas pour tout savoir de nous et nous vendre ensuite des produits plus ciblés, avec une étonnante et troublante pertinence. Son App Tracking Transparency, qui n’arriverait qu’au début de l’année 2021 avec la version 14.5, faisait trembler les rois de la publicité en ligne, dont Facebook. Cette méthode pouvait en effet largement compliquer la vie des publicitaires en ligne. Apple se posait en héros, en défenseur de nos intérêts face à ceux de géants plus ou moins identifiés qui font leur beurre de nos vies numériques.

Il promettait évidemment à l’époque de s’appliquer le même traitement et de ne pas suivre nos agissements en ligne ou dans les applications. Si certains concurrents doutaient de cette réalité, on pouvait laisser à Apple le bénéfice du doute.

La découverte d’un gros raté ?

Toutefois, deux développeurs et chercheurs en sécurité viennent de faire une découverte qui entache un peu cette position de preux chevalier. À en croire une vidéo qu’ils ont publiée sur Twitter, puis sur YouTube, et un court thread sur le site de microblogging, Apple suivrait pas à pas et en simultané nos agissements sur l’App Store, même quand on a désactivé les fonctions de suivi, telles que le partage des données d’utilisation ou les publicités personnalisées.

Depuis iOS 14.6, lancé fin mai 2021, le kiosque applicatif d’Apple enverrait à Apple tous vos faits et gestes. Les données transmises contiennent ainsi des ID, expliquent les chercheurs, qui permettent d’associer le comportement de l’utilisateur à un profil. Chaque pression sur l’écran, chaque page d’application ouverte est listée et envoyée. Un moyen pour Apple de connaître beaucoup de vos habitudes, de vos centres d’intérêts et de votre comportement sur votre iPhone. Les deux chercheurs n’hésitent ainsi pas à écrire : « Le niveau de détails révélés dans notre vidéo est bien trop important, même si l’utilisateur a consenti à partager les données analytiques avec Apple ».

Autrement dit, le géant de Cupertino empêcherait le suivi de nos comportements sur ses iPhone, mais cette limite ne s’appliquerait pas à lui. Pire, il récupérerait une masse de données extrêmement détaillée et importante. Un tel niveau de détail décrédibilise d’emblée un argument qui pourrait vouloir qu’Apple, comme de nombreux acteurs, récupère ces informations à des fins de débogage ou de qualité de service.

Une récupération de données au cœur d’une nouvelle stratégie publicitaire

Voilà qui est plutôt préoccupant, d’autant que les chercheurs ne savent pas pour l’heure si iOS 16 est épargné par ce procédé. Ils indiquent toutefois qu’il est fort probable que la dernière version en date du système d’exploitation d’Apple poursuive les mêmes agissements. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette méthode s’inscrirait parfaitement dans une nouvelle stratégie mise en place par Apple depuis quelques mois. Une orientation qui prend de l’ampleur et qui inquiète les plus fervents partisans du géant de Cupertino.

Depuis quelque temps, Apple travaillait en effet à accroître la quantité de publicité affichée dans l’App Store – même s’il a récemment mis un frein à cette tendance. Au détriment des utilisateurs, évidemment, mais aussi des développeurs qui peuvent voir leurs applications associées avec des publicités qui ne sont pas de leur goût. Des publicités pour des jeux d’argent ou de paris, par exemple, peuvent se retrouver juxtaposées à une application destinée à un jeune public, sans que le développeur ait son mot à dire, si on en croit Marco Arment. Le développeur très connu pour son franc-parler et son rôle de porte-parole officieux des développeurs iOS tweetait ainsi :

« Maintenant, la page produit de mon application affiche des publicités de jeux d’argent, ce avec quoi je ne suis vraiment pas d’accord. Apple ne devrait pas être d’accord avec cela, non plus ».

Le développeur tire ensuite à boulets rouges sur Apple, et accuse l’App Store de pervertir l’esprit même de la société californienne. Une vision peut être un brin idéaliste. « L’App Store a profondément corrompu une entreprise si géniale. Ils gagnent tant avec les jeux d’argent et les achats intégrés manipulateurs qu’ils ne voient même plus le problème ».

John Gruber, fondateur de Daring Fireball, site réputé et dédié à Apple, listait récemment d’autres témoignages de développeurs, autre que celui de Marco Arment. Un des messages, un tweet de Cabel Sasser, développeur pour macOS et iOS, indiquait ainsi : « Cela m’attriste vraiment qu’Apple ait besoin de commencer à prendre l’argent des publicités pour les jeux de casino afin de faire grimper ses revenus pour les actionnaires. Quand Steve [Jobs, ndlr] a introduit iAds, la présentation se résumait à ‘’ces publicités ne sont pas pourries, vous allez aimer ces publicités’’. Ce département ne devrait pas exister à mon humble avis. »

Face à de telles réactions, Apple a retiré certaines des publicités. Néanmoins, en profitant d’un public captif, en faisant tout pour monétiser le temps d’attention des utilisateurs dans son App Store, Apple semble saper lui-même son argumentaire qui fait de son kiosque un havre de paix, de respect de la vie privée et de sécurité pour les adultes et les enfants. Comment penser que l’App Store est la meilleure des solutions possibles quand Apple joue ce double jeu ? Voilà qui devrait apporter de l’eau au moulin des législateurs qui veulent voir les remparts de l’App Store s’effondrer. Ce devrait être le cas très prochainement en Europe, où une loi entrera en application effective à partir du mois de mai prochain.

En l’occurrence, difficile de regretter la fin de ce modèle et d’apporter un soutien à Apple, quand il semble que son précieux jardin protégé a des airs de Danemark dans Hamlet. Il y a quelque chose qui y est pourri. Nous avons évidemment contacté Apple pour avoir des explications et une réponse sur ce point, nous mettrons à jour notre article dès que nous aurons un retour.

Source : BGR



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Catégorie article Apps / Softs

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